Indivision
L’indivision est une situation juridique où plusieurs personnes détiennent ensemble un ou plusieurs biens sans qu’il y ait une division matérielle ou juridique des parts. Ce régime est fréquent dans des situations comme les successions, les achats immobiliers en commun ou les donations. Cependant, il existe deux formes principales d’indivision : l’indivision légale et l’indivision conventionnelle. Ces deux concepts, bien que similaires dans leur essence, diffèrent sur plusieurs aspects, notamment leur origine, leur durée, leurs règles de fonctionnement et les droits qu’ils confèrent aux coindivisaires. Cet article explore en profondeur les distinctions entre ces deux types d’indivision.
1. Origine de l’indivision
La principale différence entre l’indivision légale et l’indivision conventionnelle réside dans leur origine.
Indivision légale
L’indivision légale découle directement de la loi. Elle s’applique automatiquement dans des situations où plusieurs personnes deviennent propriétaires d’un bien commun, sans qu’elles aient formalisé un accord préalable.
Les exemples typiques incluent :
Succession : Lorsqu’un bien est transmis à plusieurs héritiers, ceux-ci deviennent automatiquement coindivisaires.
Communauté matrimoniale : Dans certains régimes matrimoniaux, les époux sont en indivision sur certains biens.
Acquisition conjointe : Lorsque plusieurs personnes achètent ensemble un bien immobilier, elles se retrouvent en indivision légale si aucun acte particulier ne régit leur relation.
Indivision conventionnelle
À l’inverse, l’indivision conventionnelle résulte d’un accord entre les parties concernées. Les coindivisaires formalisent leur volonté de rester en indivision, même si la loi ne les y oblige pas. Cet accord est généralement rédigé sous la forme d’une convention d’indivision, souvent réalisée devant un notaire pour garantir sa validité et son opposabilité.
Les cas fréquents incluent :
Des coindivisaires qui décident de prolonger leur indivision après une succession.
Des partenaires (mariés ou non) qui établissent des règles précises pour gérer un bien acheté en commun.
2. Durée de l’indivision
Une autre différence importante entre les deux formes réside dans leur durée.
Indivision légale
L’indivision légale est, par nature, temporaire. Elle n’est pas destinée à durer indéfiniment, car la loi reconnaît que la propriété en commun peut être source de conflits ou de difficultés de gestion. Ainsi, tout coindivisaire peut demander à sortir de l’indivision à tout moment, sauf en cas de clause contraire (par exemple, une impossibilité temporaire pour des raisons légales).
Le principe clé est le suivant : nul ne peut être contraint de rester en indivision (article 815 du Code civil). Cela signifie qu’un indivisaire peut demander le partage du bien, ce qui entraîne la fin de l’indivision, sauf si des circonstances particulières empêchent ce partage immédiat.
Indivision conventionnelle
En revanche, l’indivision conventionnelle peut être limitée dans le temps par l’accord des parties. Lorsqu’une convention est signée, les coindivisaires s’engagent à rester dans l’indivision pour une période déterminée (par exemple, 5 ans renouvelables). Pendant cette durée, aucun indivisaire ne peut demander la fin de l’indivision, sauf si des clauses spécifiques dans la convention prévoient cette possibilité.
Cela permet de stabiliser les relations entre les parties et d’éviter les sorties intempestives de l’indivision, qui pourraient compromettre la gestion ou l’exploitation du bien.
3. Gestion des biens indivis
La gestion du bien indivis est également régie par des règles différentes selon qu’il s’agit d’une indivision légale ou conventionnelle.
Indivision légale
Dans le cadre de l’indivision légale, la gestion des biens est encadrée par les dispositions du Code civil :
Décisions ordinaires : Elles nécessitent l’accord de la majorité des indivisaires, c’est-à-dire des propriétaires représentant plus de la moitié des parts.
Actes importants (vente, hypothèque) : Ils exigent l’unanimité des indivisaires.
Actes urgents : Tout indivisaire peut accomplir seul un acte nécessaire à la conservation du bien, comme des travaux d’entretien indispensables.
Cette règle de gestion, bien qu’équitable, peut parfois engendrer des blocages lorsque les coindivisaires ne parviennent pas à se mettre d’accord.
Indivision conventionnelle
L’indivision conventionnelle, grâce à l’accord formalisé entre les parties, offre une plus grande flexibilité dans la gestion des biens. La convention peut prévoir :
Un mandataire commun : Une personne désignée pour gérer le bien au nom de tous les indivisaires.
Des règles adaptées : Les coindivisaires peuvent fixer des modalités de gestion spécifiques, par exemple en confiant à l’un d’eux la responsabilité de louer le bien ou de percevoir les revenus.
Des mécanismes de sortie : La convention peut inclure des dispositions sur les conditions de sortie de l’indivision ou les modalités de rachat des parts.
Cette personnalisation permet de mieux anticiper et gérer les situations de blocage, en offrant une alternative à la rigidité des règles légales.
4. Rémunération et bénéfices
La question de la répartition des bénéfices ou des charges liées au bien indivis varie également selon le type d’indivision.
Indivision légale
En indivision légale, chaque coindivisaire a droit à une part des bénéfices et des charges proportionnelle à sa quote-part dans le bien. Par exemple :
Les loyers perçus d’un bien loué doivent être répartis entre les indivisaires au prorata de leurs parts.
Les frais d’entretien, les taxes foncières ou les travaux nécessaires sont à la charge des indivisaires dans les mêmes proportions.
Indivision conventionnelle
Dans une indivision conventionnelle, les parties peuvent adapter les règles de répartition des bénéfices et des charges. Par exemple :
Certains coindivisaires peuvent choisir de renoncer à une partie des revenus en échange d’un autre avantage.
Les frais peuvent être répartis différemment en fonction de l’usage du bien (si un indivisaire occupe le bien, il peut être tenu de supporter seul certaines dépenses).
Ces arrangements permettent de mieux prendre en compte les situations spécifiques et les besoins individuels.
5. Sortie de l’indivision
Le processus pour sortir de l’indivision diffère selon qu’il s’agit d’une indivision légale ou conventionnelle.
Indivision légale
En indivision légale, chaque indivisaire peut demander le partage du bien à tout moment. Cela peut se faire de manière amiable (si tous les indivisaires s’entendent) ou judiciaire (en cas de désaccord).
Dans ce dernier cas, une procédure de licitation peut être engagée. Le bien est alors vendu aux enchères, et le produit de la vente est réparti entre les indivisaires.
Indivision conventionnelle
En indivision conventionnelle, la sortie est régie par les termes de la convention. Si la convention prévoit une durée déterminée, il est impossible de sortir de l’indivision avant la fin de cette période, sauf accord des autres parties.
Certains mécanismes peuvent être prévus pour faciliter la sortie d’un indivisaire, comme le rachat de ses parts par les autres coindivisaires ou la vente de ses droits à un tiers.
Conclusion
En résumé, l’indivision légale et l’indivision conventionnelle se distinguent principalement par leur origine, leur durée et leurs modalités de gestion. L’indivision légale s’impose par défaut, sans qu’un accord formel soit nécessaire, tandis que l’indivision conventionnelle repose sur un contrat entre les parties.
L’indivision légale est plus rigide et sujette à des blocages, mais elle garantit une sortie possible à tout moment. En revanche, l’indivision conventionnelle offre une plus grande souplesse et stabilité, en permettant aux indivisaires de définir leurs propres règles et de fixer une durée à leur engagement.
Chacune de ces formes présente des avantages et des inconvénients, et le choix entre les deux dépendra de la situation spécifique, des relations entre les parties et des objectifs poursuivis.